Toutous ou rien ?
Edito de Denis Rousseau, Président du Club de la Presse du Centre-Val de Loire.
Le président de la république est salué unanimement comme un surdoué de la communication. Chouchou des médias durant la campagne présidentielle, il a pris l'habitude de les considérer comme des prolongations de son pouvoir, voire de son être. Las, les aléas de l'exercice du pouvoir exposent aussi aux spotlights de l’actualité, et ceux-ci se révèlent autre chose que des miroirs aux alouettes.
Il est toujours tentant de vouloir passer de la communication à la manipulation, mais les journalistes se montrent finalement plus rétifs que prévu à se contenter d'être les vulgarisateurs de la pensée complexe de l'hôte de l'Elysée.
Depuis 1974 --depuis Valéry Giscard d'Estaing !-- les correspondants accrédités auprès de la présidence de la république disposaient d'un antre au sein même du palais mis à la disposition du chef de l'Etat par le peuple français.
Peut-être un peu à l'étroit dans des locaux malcommodes, les journalistes jouissaient d'une vue imprenable sur la cour du palais de l'Elysée et les allées et venues auprès du Jupiter de garde. François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande se sont accommodés de ces observateurs avertis et parfois indiscrets.
Le nouveau monde d'Emmanuel Macron veut mettre fin à ces vieilles lunes : foin de transparence ou de quatrième pouvoir ! Les correspondants accrédités à l'Elysée seront chassés de l'enceinte sacrée. L'Olympe veut garder son quant-à-soi. Au prix de quelques précautions basiques à la portée d'une barbouze en maternelle, les observateurs n'avaient en réalité accès qu'à ce que l'on voulait bien leur montrer... Mais c'était déjà trop ! Ils doivent désormais être cantonnés à l'écart, soumis notamment au passage obligé par les portiques de sécurité pour aller faire leur travail, interdits de réactions ou de commentaires à la volée, aussi… On comprend qu'ils se sentent ravalés au rang de toutous que l'on siffle quand le président en ressent le besoin.
Si l'on ajoute que cette décision si pesante de symboles intervient alors que le chef de l'Etat proclame son souhait de reprendre la main sur les médias publics radiophoniques et télévisés… Les journalistes n'ont pas bonne presse (ils n'y sont pas complétement pour rien) : il semble donc facile de battre en brèche leurs prétendus "privilèges" en mettant de son côté rieurs et pourfendeurs de la connivence des médias. Mais les journalistes n'exigent pas de pouvoir se gaver des petits fours réservés aux visiteurs du palais présidentiel. Ce qui est en ligne de mire, c'est l'accès aux lieux du pouvoir et à l'information des citoyens.